L'injustice -problématique- de l'inégalité d'accès aux publications scientifiques

Avr 17
L'injustice -problématique- de l'inégalité d'accès aux publications scientifiques 17 Avril 2020 Larry

Pour notre site sur le BDSM, nous lisons beaucoup de documents : des articles et commentaires sur internet, des études scientifiques (notamment de sexologie, sociologie, et autres psy-XYZ), voire des livres.

Malheureusement, beaucoup de textes sont difficiles d'accès, certains sont presque impossibles à trouver (surtout s'ils sont un peu vieux, pas numérisés et plus publiés).

Mais le plus gros problème est quand des études qui concernent le BDSM nous sont inaccessibles.

Un exemple

Voici le dernier exemple que nous avons trouvé et qui illustre parfaitement le problème.

Peut-on contractualiser la barbarie ? (De Bremaeker)
https://www.persee.fr/issue/juro_0990-1027_2017_num_30_2

Il s'agit d'un texte qui discute d'un sujet très important du point de vue légal : le problème du SM (sadomasochisme) vis-à-vis de la loi.

Accès restreint !

Malheureusement, ce texte, récent, et qui existe -apparemment- en version électronique, nous est inaccessible car il a été intentionnellement marqué comme « accès interdit ».

Voici ce qu'on trouve sur le site de publication :

En raison d'une interdiction de diffusion de la ressource consultée, le contenu de cette page peut être partiellement ou totalement masqué.

Autrement dit, pour nous, le seul moyen de le consulter serait d'aller consulter la version papier du journal dans lequel cet article est paru. Et vous imaginez bien qu'il ne s'agit pas ici d'un journal national, mais d'une publication spécialisée publiée à peu d'exemplaires.

Même trouver le résumé a été difficile, car il ne figure pas sur la plupart des sites regroupant des études !

Résumé

Si le sadomasochisme est aujourd’hui une pratique connue, a priori insusceptible de répression pénale, l’auteur entend démontrer que la personne humaine, en tant que sujet volontaire et autonome ne jouit pas pour autant d’une liberté absolue dès lors qu’il s’agit de contractualiser des agissements, qui, même s’ils sont consentis, sont porteurs d’un risque tangible d’atteinte à l ’intégrité physique ou morale d’autrui.

Le problème du texte

Vous avez certainement constaté, comme nous, que le titre et le résumé de ce texte sont provocateurs et contiennent clairement des jugements de valeur (que nous estimons déplacés).

Parler de « barbarie » en parlant du SM est tellement biaisé et clairement manipulateur, et si éloigné de la réalité : nous jugeons que c'est honteux d'écrire des choses pareilles !

Mais, comme nous venons de l'expliquer, il ne nous est même pas possible de consulter l'article.

Pourtant, ce serait important pour contrer les arguments fallacieux que nous le soupçonnons de contenir (vu le titre/résumé)...

Le soucis additionnel de ce type de texte est qu'il fait partie des écrits qui peuvent être utilisés par d'autres personnes, que ce soit des chercheurs/chercheuses ou même dans le contexte de procès (comme références).

Quête de vérité

Pendant nos recherches, nous avons trouvé de nombreux textes toxiques, qui contiennent des jugements de valeurs déplacés (dans ce qui est supposé être une « étude scientifique »), des stéréotypes, mythes et préjugés (et stupidités diverses) en pagaille !

En fait, sur le sujet du BDSM en particulier, la qualité est vraiment basse, et même catastrophique (sans aucune exagération). Honnêteté intellectuelle, objectivité, esprit critique, et même simple bon sens, passent à la trappe, c'est étonnant ! Si vous lisiez certains des textes que nous avons consultés, vous seriez surpris-e du degré de « WTF? » contenu dans ces « choses ».

Et pourtant, ces documents qui sont clairement remplis d'informations biaisées, erronées et fantaisistes, sont utilisés ensuite comme références dans d'autres études !

➜ Comment est-ce admissible ?

Si en plus, l'accès à ces textes tendancieux ou fallacieux est restreinte, nous n'avons pas de moyens de vérifier ce qui est vrai ou faux ! Quand une étude référence des dizaines d'autres textes, il est déjà très difficile de vérifier ceux-ci, même pour les professionnel-le-s, et presque impossible pour des amateurs ou amatrices.

Par conséquent, il nous est difficile, voire impossible, d'accèder à ces sources pour déterminer lesquelles sont sérieuses ou non, et du coup, il nous est impossible de juger le sérieux du document qui y fait référence...

Et ne sous-estimez pas ce problème : dans un grand nombre (presque tous en fait) de documents, les citations ou références à des écrits extérieurs, sont présentés comme vrais, non discutables, bref, des évidences. Pourtant, nous pouvons vous affirmer que nombre de ces références (accessibles, elles) sont totalement BIDONS.

Comment l'étude du BDSM peut-elle progresser si des informations qui sont clairement fausses, sont utilisées comme base de raisonnement ?

Injustice

Ce problème d'accès, difficile ou impossible pour le commun des mortels est très problématique.

En effet, un tel système réserve le partage d'info et les réflexions à une minorité, alors que les conclusions peuvent avoir un LOURD IMPACT sur les gens qui pratiquent le BDSM.

Au mieux, vous aurez accès (dans un autre document) à un résumé très simplifié -évidemment- et forcément peu nuancé, qui ne vous laisse aucune marge de réflexion, et aucune possibilité de débat.

Payants

Même quand les documents ne sont pas inaccessibles, ils sont le plus souvent cachés derrière un obstacle majeur : pour y accèder il faut payer ou avoir un abonnement payant. Et des abonnements, il y en a autant que de maisons de publications ! Quand au prix : il est inabordable pour un particulier. Les abonnements sont pensés pour des institutions, et le prix individuel des textes est du style 40 euros par document.

Imaginez payer 40 euros (parfois plus) pour accèder à un seul texte allant de quelques pages à quelques dizaines de pages.

Si nous regardons les textes en accès libre (gratuit), nous en avons récupéré des centaines (sur divers sujets, le BDSM en constitue une petite minorité). Faites le calcul si vous avions dû acheter chacun d'entre eux !

L'inconnue

Et ce n'est pas le seul problème !

En effet, avant d'acheter un accès, vous ne pouvez lire que le résumé, et celui-ci ne dit souvent que peu de choses. Il ne permet -évidemment- pas de juger du sérieux de la publication, du niveau technique du texte (abordable ou non à des non spécialistes ?), et même souvent, le contenu est très décevant et pas du tout ce que vous espériez. Pour vous donner une idée, sur les centaines de documents accessibles que nous avons récupérés, nous comptons à quelques dizaines ceux qui sont un minimum intéressants, et sur les doigts des mains ceux qui sont utilisables pour des articles de notre site...

Versions imprimées

Quand à la solution d'aller consulter les versions imprimées dans une bibliothèque...

D'abord, il y a les problèmes d'accès. Nous nous sommes renseignés, car nous voulions consulter un vieux texte souvent référencé dans les études sur la sexualité (dont le BDSM), à la BnF (Bibliothèque nationale de France). Si on est un particulier (ce qui est le cas de l'auteur), il faut obtenir un RDV et justifier la raison pour laquelle on veut accèder à un document... Bonjour l'élitisme !

Ensuite, imaginez devoir accèder à chaque document physiquement uniquement : comment faire des commentaires, notes, citer des extraits, etc. ? Il va falloir tout copier à la main ! Vous n'avez aucun mal à comprendre la lourdeur du processus... C'est déjà assez pénible avec des documents électroniques qui permettent le copier/coller ainsi que les surlignages et autres.

Conclusion

Comme vous venez de le voir, nous sommes confrontés à un vrai problème.

Et qui ne semble pas près de devoir être résolu !

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