Auto-régulation du « milieu » BDSM : est-ce possible ? Souhaitable ?

Mai 24
Auto-régulation du « milieu » BDSM : est-ce possible ? Souhaitable ? 24 Mai 2020 Larry

Le « milieu » du BDSM souffre d'un problème d'abus. Régulièrement, on lit des témoignages, par exemple sur le site BDSM FetLife, et nous savons bien que ceux-ci ne sont qu'une petite partie des vrais problèmes.

Bien que le BDSM en soi ne soit pas abusif, il est clair qu'il facilite les abus et surtout rend difficile la dénonciation des coupables. D'abord parce que certaines pratiques peuvent vous mettent à la merci d'une autre personne (attaché-e par exemple), il y a aussi le problème des prédateurs qui croient trouver des proies faciles (mais qui n'ont aucun intérêt dans le BDSM), enfin, le problème de la loi du silence fortement amplifié par les préjugés de la police/justice (« ben, fallait pas vous laisser attacher ! »).

Tous ces problèmes provoquent parfois des questions du style « pourquoi les gens qui font du BDSM ne règlent pas les problèmes eux-mêmes ? ». Ce sentiment est parfois répété par les pratiquant-e-s, nous avons vu des initiatives lancées dans les forums du site BDSM FetLife.

Oui, mais tout ça c'est très bien, c'est très facile à dire, mais est-ce possible, et même souhaitable, de mettre en place des structures d'auto-régulation (quelle que soit leur forme) pour aider à règler les problèmes ?

Possible ?

Vous savez que les systèmes judiciaires de nos pays sont très complexes, et donnent trop souvent des résultats peu satisfaisants. Nous en avons eu des exemples personnels peu encourageants...

Pensez-vous sérieusement qu'il serait possible de reproduire, même partiellement, les processus mis en oeuvre dans ces systèmes ?

Quelques exemples de problèmes :

  • comment s'assurer de l'impartialité des personnes responsables ? Le favoritisme est déjà un gros problème dans le BDSM... Comment éviter la corruption ?
  • comment choisir ces personnes ? Des élections ? Sur quels critères ? Les gens les plus connus seraient favorisés mais rien ne dit qu'ils/elles seraient compétent-e-s et surtout impartial-e-s. Et le problème -répandu- d'élitisme (aux idées très étroites) rendrait le problème encore plus aigu.
  • comment financer tout ça ? Oui, il ne faut pas se faire d'illusions, ça coûtera forcément de l'argent.
  • comment gérer les débats accusation/défense ?
  • comment enquêter pour s'assurer de ce qu'il s'est réellement passé ? (Même avec les moyens humains et financiers énormes de la France, par exemple, c'est souvent le n'importe quoi, alors sans expérience ni moyens...)
  • comment appliquer les éventuelles « condamnations » ? (Par exemple en impliquant la justice ?)
  • comment gérer les erreurs (il y en aura toujours) ?

Un dernier problème, majeur, que nous mettons à part : la très grande majorité (>95%) des gens qui font du BDSM le font dans leur couple, et ne vont jamais dans le « milieu » public du BDSM (voir cette étude sur la Belgique). Comment gérer de tels cas ? De quel droit une organisation non officielle pourrait-elle s'en mêler ? Avec tous les risques de débordements que ça implique... Ensuite, on pourrait bannir les coupables des évènements publics, mais en quoi cela les empêcherait de faire d'autres victimes (en privé) ? Même une liste de gens à éviter ne serait lue que par une infime minorité de nouveaux/nouvelles venue-s !

Souhaitable ?

Même s'il était possible de mettre en place un système qui permettrait aux gens de « porter plainte », le risque de donner un pouvoir -même s'il est virtuel- énorme à une poignée de gens se finirait de façon certaine par une ascension de gens avides de pouvoir et ayant de mauvaises mentalités.

On voit ce phénomène dans toutes les organisations. Voulons-nous réellement avoir des troll-e-s, des extrémistes, et même probablement, des abuseurs, dans des positions qui leur permettraient de « faire la loi » ? Il y a déjà suffisamment de problèmes dans le milieu !

Conclusion

Nous pensons que le seul cas où ça pourrait marcher, et encore, avec de sérieuses mesures « garde-fou », serait dans le cadre de clubs/associations qui géreraient uniquement les problèmes de leurs membres. Et même là, nous savons d'avance qu'il y aurait tôt ou tard des dérives...

Hors de ce cas, non, nous ne pensons pas que ça puisse marcher.

La seule solution, qui n'a rien de facile, reste de se référer à la vraie justice, mais il faudra malheureusement encore beaucoup d'évolution des moeurs en matière de sexualité (dont le BDSM) avant que le système pesant de la justice ne soit adapté à ces situations...

Un problème difficile, qui n'a pas de solution simple et facile...

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